Reprise/déprise

Il avait laissé dormir sa tête. Oui c’est ça. Et dedans les vieilles choses qui avaient compté avant. Parfois, dans la platitude d’une vie nouvelle abandonnée par son esprit, il repensait à la folie des années récentes, lorsqu’il courait dans tous les sens, pensait mal, laissait jaillir de sa gorge des paroles de malades, insensées, tellement malades qu’elles avaient finis par mourir.

Maintenant, il n’était plus en deuil. Il avait abdiqué. A l’époque, il avait trouvé une consolation dans la vie facile, c’est à dire nulle. Existence zéro. Aucun effort. Nul exercice. Foutu comme il se plaisait à dire. Mais il avait suffit d’une relance. D’un mot aimable à son encontre, un simple encouragement et le regard d’une femme sur lui. Alors tout devenait à nouveau possible : le risque pris pour continuer d’avancer et la compréhension qui lui avait toujours échappé avant : la poursuite du langage et celle de la vie, n’était en fait que deux mouvements de la même aventure. Et il était prêt. Peu importe la forme, la destination, l’humeur, l’époque. Il fallait réveiller la force, se relever, viser plus haut, et avoir le cran et l’audace de se penser au dessus du malheur, le sien, celui des autres. Une sorte de lumière. Et pas une solution trouvée à la vite par un désespéré. Courage d’oublier le passé, de nier l’époque, et de mettre à nouveau le pied dans le plat. Un mélange de jouissance et de scandale, c’est ça qu’il éprouvait en dirigeant ses yeux vers l’avenir. Il avait pris à la lettre, d’une manière trop suffisante, le mot de Ponge : « travailler en dessous de sa puissance ». Il soupçonnait le poète d’avoir écrit ça pour tuer à petit feu des gens comme lui. Maintenant, la puissance retrouvée, il fallait commencer à l’orienter, mais il n’était plus taraudé par des pourquoi boutonneux ; il saurait trouver une solution au « comment », parce qu’il était à nouveau habité par l’amour du monde. Aussi simple et clair que ça.

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