J’avais comparé le photographe à un flic attentif à la moindre irrégularité, mais ce matin, j’ai repéré dans le métro un pickpocket avec un œil qui balayait l’espace comme une tour de contrôle. Je me comporte souvent comme lui lorsque je photographie ; voleur de choses. Je ne dois pas être remarqué, je suis affamé, je me nourris du moindre objet qui ne vaut souvent rien, je me faufile entre les gens que je frôle et coupe en morceaux, je ramasse les restes, je traverse les vitrines, mais pourtant, avec tout ce que j’ai pris, j’ai le sentiment d’être toujours aussi pauvre.

Trop souvent, l’écriture me conduit aux antipodes de moi-même. Il est très rare qu’en relisant ce que j’ai fait, je me dise : « oui c’est vrai, c’est ça. » Je me trompe alors de voie, ce qui est difficile à admettre pour quelqu’un qui écrit pour se trouver. Pour que ce que j’écrive sonne « vrai », il faut que ma langue soit la plus simple possible, dès que j’essaye de l’enjoliver, je perds le fil de mon idée et j’en fais des confetti exaspérants. S’il y a parfois de la beauté dans ce qu’essaye d’écrire, c’est parfaitement involontaire. Je veux dire que l’on ne peut atteindre la beauté que par des voies contournées. Drôle d’affaire imprévisible.

L’homme aux lunettes grises avec un petit chien sur les genoux attend le départ de l’avion pour retourner chez lui avec un air bêtement satisfait de retrouver bobonne et ce garage où il aime tant bricoler.

L’aspect parfois idiot des phrases de Georges Perros.
Plutôt bébête qu’idiot. Et pourtant je le lis. Je le lis quand je n’ai rien d’autre d’important à lire. J’ai parfois besoin de le lire à fond pour revenir à des nourritures plus denses et raffinées.

Certaines œuvres de second plan m’enchantent davantage que des œuvres centrales ; par exemple, je sais bien que les textes de Thomas Bernhard sont infiniment supérieurs à ceux de Peter Handke, mais pourtant, je lis ce dernier avec plus d'assiduité et de plaisir. De même, certaines aventures amoureuses périphériques à la « vraie passion » m’ont souvent plus appris qu’une « grande histoire. » Ces enseignements, d’un point de vue littéraire et existentiel, ont un rapport plus direct avec la vie, une vertu presque technique : savoir enfiler une grosse couette dans une housse, poser des verres d’eau sur un radiateur pour humidifier l’air etc. Dans l’écriture, même combat : dosage de la ponctuation, mise en espace du texte sur la page, ajustement des formats etc.


Passage au-dessus des nuages, passage dans le bleu, flirt avec le jaune, grognement mécanique de l’avion qui semble broyer de l’air.

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