Plusieurs atteintes (Budapest 8/12 novembre 2007)





Dans un demi-sommeil, variété de rêveries érotiques, entre remembrance et anticipation. Je n’en dis pas plus, j’y pense en secret, je n’en tire aucune conséquence sur le plan moral : je prévois, je pèse les oui et les non, il faut que j’apprenne enfin à m’organiser.

Ecrit au dos d’une partition pour piano, de l’autre côté de la musique, en transparence, j’aperçois le dédale des croches, je me sers de la portée pour écrire droit seulement, pas pour faire des mignardises. Compris ?






Elle m’a dit à propos de mes yeux : celui de gauche appartient à un enfant, l’autre, à un fou, ce qui me va très bien.

Tâcher de ne plus se signaler quand on parle d’autre chose que de soi-même ; en écriture, projet impossible (pour moi), reste cette possibilité de l’image photographique, qui, en théorie, rendrait possible cet effacement.

La fille qui écoutait parler sa mère en la regardant dans les yeux comme si elle lisait un livre, ligne après ligne, regard tendre, impatient, vorace.






Ne pas aller aux quatre vents, réduire le nombre de flèches, les cibles, être patient, attendre le moment opportun, accepter d’être aussi parfois d’être sa propre cible, non pas pour se tuer mais pour vérifier qu’on est toujours vivants.

Pourquoi la lumière me touche-t-elle autant ? La femme répond : c’est à cause de la couleur. Tout se complique. Tout se mélange. Je suis toujours en retard pour comprendre, la chose se passe, la statue brûle comme une torche, je suis touché, mais démuni, privé de mon pouvoir de bavardage.




Chacune des phrases de cette femme qui me parle est dite sur le ton d’une réplique, elle profère, ça chante et parle sur un rythme saccadé, je me demande si elle le fait exprès, je pourrais trouver cette parole inauthentique mais il y a une telle énergie dans la moindre chose banale qu’elle dit que je suis impressionné ; elle met le paquet (l’âme et le corps) dans ses histoires comme si c’étaient ses derniers mots. Moi je reste prudemment silencieux.





Tard dans la nuit, un type tape sur un clavier, je mets du temps à identifier ce bruit, je pense d’abord qu’il tripote un sac en plastique, j’ai envie de bondir sur lui, de la corriger, mais dès que j’ai remis le son à sa place et que je m’aperçois de cette confusion, je me trouve idiot, aussi timbré qu’une veille hystérique, si bien que je rêve d’enfouir ma tête dans ce sac en plastique pour m’endormir, mais dans la pièce, nul sac en plastique, on le sait, seulement un clavier pour écrire la douleur.

Répétitions d’erreurs, je me retrouve souvent dans des embarras familiers, des malentendus, des culs de sac érotiques, il faudrait que j’admette enfin que ma lecture du monde ne va pas aussi bien que ça.





Tu marches dans une ville étrangère et tes pas solidifient ta tête. Tu entres dans le premier tramway, sans destination particulière, il longe le Danube. On t’a raconté qu’il est parfois le fleuve choisi par les amoureux désespérés pour couler. Assis à l’arrière du tramway cahotant, tu regardes par la fenêtre comme tu l’as toujours fait. Des phrases traversent la machine. Des phrases que tu ne comprends pas. Tu aperçois des façades de vieux châteaux laissés pour compte, tu ne connais pas leur histoire. L’ignorance de la ville s’infuse dans ton esprit. Les nudités, les absences, de part et d’autre, s’entrechoquent. Il y a peut-être encore quelque chose à faire. Tu regardes une femme de dos, assise devant toi. Est-ce une toque ? Ses cheveux ? Ses cheveux jaunes ? Sans l’avoir prévu, tu sors du tramway puisque la porte s’est ouverte et te voilà en marche à nouveau. Au plus près de l’eau, de ce fleuve sans odeur. Ta tête tient mieux, les bizarreries se dévoilent. Un homme sort de sa voiture Lada rouge, installe son appareil sur un trépied planté dans l’herbe, et tout de suite après, voilà qu’il reprend le volant, laissant la machine seule orientée vers le ciel. A la recherche d’un lieu pour recueillir tout ça. Tu penses encore à l’appareil abandonné. En attente de l’image, du fait, d’une histoire. Tu trouves ton café secourable de pensées, tu prends le risque de raconter si peu.








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