Marseille, 3 juillet 2007



Journées dans une ville livrée aux meilleures et aux pires des images.

Circulation dans Marseille ; ciel bleu foncé, soleil qui oscille entre le jaune et le blanc. Il casse les yeux. Je n’ai pas photographié depuis trop longtemps. D’un coup un fait ressemble à une évidence : synthèse parfaite qui m’achemine vers quelque chose de nouveau. Comme si l’œil savait déjà ce qu’il fallait viser. Je le vois après. Étrange comme la satisfaction d’une image réussie donne un coup d’énergie au moral. On se sent bien. On rassemble ses forces, on a de l’aplomb dans l’existence et le monde redevient un lieu habitable parce que je peux le désigner.

(Alors que je m’apprêtais à photographier un chien fou qui descendait un escalier comme s’il fuyait une catastrophe, son maître intervint, sorte de loustic post-beatnick : Non, jeune homme, on ne photographie pas le chien, règle des trois C : « C’EST COMME ÇA ».)

Discussion avec E. à propos du projet de livre. Grande attention à la prose qui accompagne les photographies. Curiosité à l’égard de quelque chose d’autre que j’aurais écrit et que je ne voudrais pas montrer. Pourtant il n’y a rien d’autre que ces phrases éparpillées, lambeaux de récit, sensations coupées, découplées, sauvegardées.

Un récit ? Oui, plus que jamais.

Rêvé à ce propos d’un titre emprunté à un texto reçu il y a quelques jours : « Encore heureux. »

S’il admettait qu’il allait vraiment mal, l’horizon de la joie s’ouvrirait grand pour lui. Au lieu de ça, il vivote entre le pire et le mieux, il ne s’assoit jamais nulle part et n’en parle à personne.

Ouverture de la parole vers quelque chose de clair, lumineux ; l’échange est possible ; la vérité qui ne ressemble ni à une confession, ni à un avœu, et qui se passe au-dessus du jugement sur soi et par-delà la crispation liée à l’écoute de l’autre, me purifie de tout orgueil.

Lu hier soir une phrase de Michaux que j’ai eu envie de recopier. De plus en plus souvent, je peux adhérer à ce que je lis, mais contrairement à une époque où j’étais constamment aux aguets et notais sur un carnet la moindre trouvaille jugée lumineuse (il s’agissait surtout d’une admiration pour la formulation), aujourd’hui, peu de choses me touchent au point de vouloir les préserver. Je ne sais pas si c’est à cause d’une sécheresse de cœur, ou parce que je vis dans l’illusion prétentieuse d’avoir fait le tour de choses, ou encore pour des raisons de paresse, quoi qu’il en soit, je le répète, je lis et je suis prêt à oublier. Jusqu’à la netteté d’une pensée bien fichue :

« Dans une époque d’agités, garde ton andante. »






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